Voeux aux corps constitués

Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Premier ministre, cher Edouard Philippe,

Monsieur le Président du Sénat, cher Gérard Larcher,

Mesdames, Messieurs les ministres,

Mesdames et Messieurs les présidents de groupes politiques,

Mesdames et Messieurs les sénateurs, 

Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues,

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

Messieurs les Secrétaires généraux,

Mesdames et Messieurs,

 

Je suis très heureux de vous accueillir aujourd’hui dans cette galerie des fêtes de l’Assemblée nationale pour ces vœux aux députés et aux corps constitués. Si ces vœux sont une tradition, et offrent l’occasion, comme c’est l’habitude, de faire un rapide bilan de l’année écoulée et de préparer celle à venir, ils s’inscrivent, cette année, dans un contexte particulier.

D’abord parce que, pour l’immense majorité des députés, il s’agit des premiers vœux en tant que députés. C’est la première fois qu’un renouvellement législatif s’accompagne d’un tel renouvellement du personnel politique.

Ensuite parce que jamais autant de familles politiques n’ont été représentées au Parlement, une Assemblée nationale pourtant élue au scrutin majoritaire. Nous le voyons au travers des 7 groupes parlementaires auxquels la très grande majorité d’entre-vous appartient.

Enfin parce que nous avons engagé une réforme profonde du fonctionnement de notre Assemblée, qui franchira, grâce au projet de réforme constitutionnelle annoncé pour ce premier semestre 2018, une étape supplémentaire, et je tiens à le dire, indispensable.

Je ne m’étendrai pas sur le bilan des six premiers mois de cette législature. Je dirai simplement, l’Assemblée est au travail, et Mesdames et Messieurs les députés, vous êtes évidemment les mieux placés pour le savoir !

Mais je ne peux que vous inciter à le faire savoir, car si vous ne le faites pas, croyez-moi, personne d’autre ne le fera à votre place.

Dans les vœux auxquels vous participez dans vos circonscriptions respectives, notamment à l’initiative des maires dans les communes, comme chacune et chacun d’entre nous, vous êtes probablement interpelés, interrogés, critiqués parfois.

Dans les médias, sur les réseaux sociaux, c’est souvent plus pressant, ou plus virulent encore.

Tous ces questionnements, toutes ces opinions – dans la mesure où elles sont de bonne foi – sont légitimes : ils sont le fondement de la Démocratie, son exigence, et même sa richesse.

Mais ne laissez jamais passer le reproche de l’inactivité.

Et rappelez à chaque fois que cela vous est possible, la réalité chiffrée, incontestable de votre activité. Rappelez les plus de 150 séances que nous avons tenues depuis notre installation en juin dernier, les plus de 620 heures de débats, 73 textes examinés, dont 37 définitivement adoptés, plus de 8 000 amendements produits et débattus… dont 1 500 ont été adoptés.

Nous ne sommes pas d’accord sur tout, mais je pense que nous pouvons nous accorder pour dire que ce premier semestre de travail a été actif !

Je veux dire un mot à ce titre sur les « classements de députés » que l’on voit fleurir dans la presse. L’Assemblée ne siégeait pas depuis un mois l’année dernière que les députés étaient déjà ordonnés du plus actif, supposément, au plus inactif, supposément. Les informations quantitatives sont utiles évidemment, et même nécessaires, mais force est de constater que ni les associations citoyennes qui les traitent, ni les médias, qui parfois disons-le les maltraitent, n’ont réussi jusqu’ici à traduire, à travers ces chiffres, la réalité du travail parlementaire effectué à titre individuel par chaque député : combien peut valoir un amendement par rapport à un rapport d’information, une question écrite au regard d’une intervention en séance ? Chacun d’entre nous, selon sa commission, son groupe politique, selon la taille évidemment des différents groupes politiques, ses centres d’intérêts, chacun a sa propre manière de travailler, qui ne se laisse pas résumer par un ou deux indicateurs.

Vous voulez une confidence ? Si j’en crois ces classements, je suis moi-même très mal classé parce que je ne signe aucun amendement, aucune proposition de loi. C’est un choix volontaire de ma part. En revanche, je fais parait-il beaucoup d’interventions selon ces mêmes classements alors que vous le savez, je n’interviens jamais à la tribune de l’Assemblée nationale. Mais le simple fait de dire « je vous passe la parole » est considéré comme une intervention. C’est vous dire si c’est une évaluation qualitative…

Là où les chiffres ont un vrai intérêt, en revanche, c’est pour mesurer l’activité globale de l’Assemblée nationale. Et la participation aux débats et aux votes en attestent : cette activité a fortement progressé dans les six premiers mois de cette législature par rapport à la législature précédente, à des législatures précédentes.

Les Français voulaient des députés qui ne cumulent plus les mandats, qui soient plus présents à l’Assemblée nationale : c’est aujourd’hui le cas. Il faut le dire. Encore des français croient d’ailleurs que le cumul des mandats est encore autorisé. C’est vrai que cela a mis presque quatre ans entre le vote de la loi et son application, mais maintenant, c’est chose faite.

Les Français voulaient également des députés dont les conditions rejoignent le droit commun : c’est fait. Sur le recrutement de nos collaborateurs, les retraites des députés, l’allocation chômage, les frais de mandats, nous avons fait en 6 mois des réformes attendues, pour certaines d’entre elles, depuis des dizaines d’années.

J’ai initié ces changements en identifiant les problèmes, en proposant des solutions, en dialoguant avec les groupes et ce sera toujours ma méthode. Cela nous a permis une adoption à une large majorité au sein notamment du Bureau, bien au-delà de la majorité politique de notre Assemblée. Je l’ai voulu pour vider l’abcès.Il faut désormais passer à autre chose, passer au cœur du sujet : le renforcement du Parlement.

J’ai pris l’initiative d’un autre changement dans les nominations, dont j’ai la responsabilité : les nominations de personnalités qualifiées dans des organismes extérieurs font désormais l’objet d’un appel public à candidatures.

Ces pratiques nouvelles, je vous invite à vous en saisir !

Diffusez autour de vous ces appels à candidatures, et notamment, je le redis ici car la question se pose, diffusez les auprès des femmes qui sont toujours moins nombreuses que les hommes à se porter candidates. Parfois à certains appels à candidatures, je n’avais de réponses que d’hommes.

Or, je tiens à rappeler que, toutes nominations confondues, notamment dans les organismes extra parlementaires, les femmes représentent depuis le début de la législature 45% des personnes nommées – plus que la proportion dans notre assemblée.  

Ces réformes, nous ne les menons pas pour le plaisir de réformer, ou pour répondre à quelque injonction : nous les menons parce qu’elles contribuent au retour de la confiance entre les citoyens et leurs élus. C’est ça notre objectif.

Et parce que le cœur de la démocratie, c’est à l’Assemblée nationale qu’il doit battre, au Parlement.

Partout en Europe, les partis populistes et extrémistes montent, les votes pour ces partis montent. La France est directement touchée et depuis longtemps. N’oublions pas les résultats du premier tour de l’élection présidentielle. Pour ma part, je ne les oublie pas. Je n’oublie pas que ces mouvements ont souvent peu de considération pour le Parlement.

Certains de leurs membres, qui s’y font élire, disent même, j’ai lu cela quelque part, s’y « emmerder » – c’est leurs mots ! Et bien, ils ne sont pas obligés de se présenter aux élections législatives et ils ne sont pas obligés de continuer à siéger, s’il le faut des élections partielles peuvent être organisées.

En ce qui me concerne, je défendrai toujours la démocratie parlementaire.

L’Assemblée est en première ligne face aux attaques populistes.

Mon rôle, c’est d’être en première ligne pour défendre le Parlement.

Bien le défendre, c’est le transformer pour le rendre plus ouvert, plus représentatif et plus efficace.

Et c’est pourquoi je suis si attaché à la garantie permanente du pluralisme dans notre institution. Nous avons ainsi été conduits à réviser notre règlement pour affirmer la place de l’ensemble des groupes politiques au sein du Bureau de notre assemblée, qui est son instance de direction la plus élevée, justement parce qu’elle est collégiale et pluraliste.

J’ai d’ailleurs pris position personnellement, et à plusieurs reprises, afin de garantir la représentativité de cette instance. Je crois en effet que c’est aussi le rôle du Président de l’Assemblée nationale d’être le garant des droits des oppositions.

J’exercerai toujours ma fonction avec autorité mais je crois pouvoir le dire, sans autoritarisme. Et celles et ceux qui me connaissent savent que je n’ai pas une personnalité autoritaire. Mais je ferai toujours respecter les règles, et notamment les règles liées au comportement que nous devons avoir dans notre assemblée pour qu’elle soit digne aux yeux des français, qu’elle soit respectée. Et je défendrai, dans le même mouvement, car pour moi cela va de pair, la liberté de parole, la liberté totale d’expression au sein de notre assemblée. Je le dis, et vous savez bien qu’il y a eu quelques débordements comme c’est toujours le cas, ces derniers mois. Je croyais que l’autorégulation pouvait suffire, notamment pour cette question ô combien anecdotique des tenues vestimentaires. Mais comme ce n’est pas le cas, nous prendrons des règles pour nous prémunir contre certaines dérives. Et je le dis aussi de la même façon, car des groupes ou des députés à titre individuel me demandent parfois de prendre des sanctions par rapport à tel ou tel propos tenu par tel ou tel député. Non, je ne prendrai pas de sanction car en la matière, c’est la liberté d’expression qui doit prévaloir.

Nous irons plus loin ensemble en 2018, et je souhaite notamment que nous puissions rapidement améliorer les conditions d’expression et de participation à nos travaux de nos collègues non-inscrits.

Le pluralisme, il se retrouve également dans le processus de réflexion et de transformation collective de notre assemblée lancé en septembre dernier, et qui a vocation à se dérouler sur l’ensemble de la législature.

La restitution de la première phase de réflexion a eu lieu le 13 décembre dernier.

Plus de 150 auditions, plusieurs milliers de contributions citoyennes, le tout réalisé en trois mois par 70 députés qui se sont impliqués, avec une prise de position de chaque famille politique qui le souhaitait, c’est un beau défi que nous avons relevé et c’est une première dans l’histoire de notre assemblée, dans un processus de transformation volontaire, voulue !

Ce travail permet d’ailleurs à l’Assemblée nationale de jouer tout son rôle dans la réforme constitutionnelle à venir.

Il amènera également le Bureau à poser, dès le 24 janvier prochain, les bases de plusieurs réformes attendues : je pense notamment aux conditions de travail de nos collaborateurs parlementaires, à la politique de développement durable de notre institution, ou encore à l’ouverture de l’Assemblée nationale à la société.

*

Nous avons sur les institutions, les uns et les autres, des visions différentes. Aux problèmes que nous constatons, aux dysfonctionnements démocratiques que les Français dénoncent, nous répondons par des propositions différentes. Et c’est bien normal.

Mais je crois que nous pouvons partager une même volonté : celle de réaffirmer et de renforcer le rôle du Parlement.

Un parlement faible, c’est une démocratie faible.

Un parlement qui dysfonctionne, c’est une démocratie qui dysfonctionne.

Renforcer la démocratie, cela signifie donc renforcer le Parlement et mettre fin à des dysfonctionnements qui le paralysent.

Cela dépend de nos choix de gestion et des moyens que nous dégageons pour le faire vivre.

Cela passera par nos choix institutionnels, et des garanties d’indépendance et d’expertise dont nous doterons le Parlement dans le cadre de la réforme institutionnelle.

Pour que le Parlement soit fort, il lui faut des moyens qui garantissent son indépendance.

 

Avec l’aménagement à venir de l’ensemble immobilier de Broglie, projet confirmé par le Bureau de notre assemblée à la quasi-unanimité, en décembre dernier, l’Assemblée disposera de son indépendance immobilière en étant propriétaire de ses propres murs, et de plusieurs milliers de mètres-carrés supplémentaires achetés à l’Etat à bon prix, je dois le dire, par Claude Bartolone ici présent qui avait mené ce chantier, quand je vois la comparaison avec d’autres transactions immobilières dans le quartier qui impliquent un parti politique.

Ils doivent permettre, ces nouveaux locaux, de créer des salles de réunions, des bureaux pour les députés.

Que les députés disposent d’un bureau individuel et d’un bureau pour leurs collaborateurs. Et oui Mesdames et Messieurs, vous qui êtes là aujourd’hui et qui n’êtes pas députés, vous le voyez peut-être parfois quand vous venez ici, les députés n’ont même pas parfois des conditions décentes pour vous recevoir. Cela n’a rien d’excessif et cela ne s’apparente à aucun privilège, comme on le lit trop souvent.

 

Je le rappelle, et je le rappelle particulièrement devant le Premier ministre, la dotation budgétaire de l’Etat à l’Assemblée nationale est stable depuis 7 ans et auparavant, elle avait même été réduite ! Au total, en dix ans, elle a diminué – en euros constants – de 15%. Je me demande souvent quelle administration, quel ministère ou quel opérateur public pourrait en dire autant.

Elle s’élève aujourd’hui, disons les choses en toute transparence, à 517 millions euros, soit 18 euros par foyer fiscal et par an, contre 21 euros par foyer fiscal et par an il y a 8 ans.

Je ne pense pas que ce soit excessif.

Et si nous sommes nombreux à plaider pour une réduction du nombre de parlementaires, j’en fais partie, c’est pour permettre, à moyens constants, de renforcer fortement les moyens de travail des parlementaires, et les capacités de travail et d’expertise de l’Assemblée nationale.

Je vous parlais des nouvelles mesures que le Bureau pourrait prendre la semaine prochaine. Je vous le dis et là je m’adresse plus particulièrement aux députés, et en toute transparence : 10% d’augmentation du crédit collaborateur, comme cela est envisagé et c’est nécessaire. Il faudra même aller plus loin, la préconisation du groupe de travail est une augmentation de 30% d’ici la fin du mandat. Ce sont 10 millions de dépenses supplémentaires par an. Cela ne sera possible que par un prélèvement sur les réserves qui sont d’un montant actuel de 270 millions. Je le dis, l’Assemblée nationale a zéro déficit, zéro dette. Elle met même de l’argent de côté pour avoir ces réserves, c’est une bonne gestion. Mais si l’on veut augmenter les moyens de travail des députés, cela ne sera possible, à terme, que si le nombre de députés baisse, ou si la dotation annuelle de l’Etat augmente. Et il faudra bien un jour ou l’autre qu’elle augmente à nouveau pour suivre l’augmentation des dépenses.

La démocratie a un coût, assumons-le. Et je défendrai l’Assemblée nationale et ses moyens aussi souvent qu’ils seront attaqués. Car une démocratie forte passe par un Parlement fort, un Parlement qui a les moyens de travailler.

*

Cette année 2018 verra donc la poursuite de la transformation de notre institution. Puisque le début d’année est, dit-on, le moment des résolutions, je souhaite que l’année 2018 soit celle du renforcement du Parlement.

 

Je veux dire un mot aussi, c’est peut-être plus inhabituel, au sujet des fonctionnaires de l’Assemblée nationale, qui en assurent au quotidien le bon fonctionnement. Je suis très attaché à ce que l’Assemblée nationale dispose d’une fonction publique autonome, qui est de très grande qualité.

C’est elle qui garantit l’autonomie de l’Assemblée nationale et la capacité de travail et d’initiative des députés.

Pour accompagner les députés dans leurs missions, il est important que la fonction publique parlementaire soit diverse dans ses parcours et dans sa composition.

Son organisation doit être adaptée aux nouveaux enjeux d’un Parlement moderne

C’est pourquoi j’ai confié aux deux secrétaires généraux de l’Assemblée une mission de réflexion sur les contours, le statut, l’organisation et les carrières de la fonction publique parlementaire. Sur ce fondement, le Bureau, qui est réglementairement compétent en la matière, pourra prendre des décisions.

 

Au-delà de la fonction publique parlementaire, il faudra également doter l’Assemblée nationale d’une capacité d’expertise propre, notamment sur les questions économiques et budgétaires.

Les députés ne peuvent plus uniquement dépendre des informations de l’exécutif pour déterminer leurs positions.

Vous savez que j’ai évoqué à ce titre, à la suite de la proposition du groupe de travail de l’Assemblée sur le contrôle et l’évaluation, le rattachement de l’organismeFrance Stratégieau Parlement. Je porterai en votre nom cette demande, nous en discuterons dans le cadre de la négociation avec le Gouvernement autour de la réforme constitutionnelle.

Nous pouvons aussi faire évoluer notre organisation sans attendre la réforme constitutionnelle.

Je proposerai que nous mettions en œuvre dès ce printemps, les propositions sur lesquelles travaille la commission des Finances, pour revoir l’organisation de la discussion des Lois de Finance.

L’examen de la loi dite de règlement, et personne d’ailleurs je crois en dehors de cette assemblée ne sait ce que l’on veut dire quand on parle de loi de règlement, la loi qui vérifie l’exécution du budget, doit maintenant devenir un moment privilégié de l’évaluation des politiques publiques, de l’évaluation de l’efficacité de la dépense publique.

Or aujourd’hui, l’examen de cette loi ne dure que 3 heures, quand l’examen du projet de budget, c’est-à-dire sur les intentions en matière de budget, dure lui près de 3 mois ! Alors il faut absolument rééquilibrer cela pour avoir une meilleure évaluation.

Mais nos choix internes ne suffiront pas : il faudra évidemment que la réforme constitutionnelle, enfin, se saisisse de la procédure législative. Cela fait tant d’années que le débat est sur la table.

On me dit souvent que c’est la tradition parlementaire, que sur les grands sujets, il y a de longs débats. Que plus le sujet serait grand, plus le débat devrait être long.

Rappelons quelques exemples de grands débats justement :

Pour autoriser l’avortement en France, l’IVG, en 1974, il aura fallu 36 heures de débat en séance à l’Assemblée nationale. Et on ne peut pas dire que cela n’a pas été un débat controversé.

Pour abolir la peine de mort, en 1981, décision d’importance s’il en est, 16 heures de débat.

Plus près de nous, dans le précédent mandat, pour adopter la loi dite du mariage pour tous, plus de 136 heures de débat !

Pour l’IVG, 115 amendements ont été examinés.

Pour la peine de mort 28,

…et pour le mariage pour tous, 9 356.

Les chiffres sont là. Devant nos yeux. Ce n’est pas simplement une perception, un sentiment. Ils témoignent d’une dérive de nos pratiques, rendue possible par des règles qui doivent évoluer. Parce que les Français ne demandent pas seulement des députés plus présents, soumis à des règles du Droit commun, investis de plus de moyens d’évaluation et de contrôle. Ils demandent surtout un Parlement plus efficace dans ses décisions.

Qui peut sérieusement prétendre que le mauvais théâtre de répétitions à l’infini des mêmes arguments, des mêmes amendements, d’une lecture à l’autre d’un texte, enrichit la démocratie ?

Personne.

Ni les acteurs politiques que nous sommes, qui s’épuisent dans l’exercice, ni les citoyens qui y voient le signe d’une impuissance politique. Soyons, sur ces questions, audacieux. Inspirons nous de ce que font et ont fait d’autres Parlements, et innovons, osons : c’est ce que nous demandent les Français. 

*

Pour faire de meilleures lois, pour améliorer l’efficacité de l’action publique, et notamment de la dépense publique, le Parlement doit d’avantage travailler sur l’évaluation des lois, leur application, sur le contrôle – n’ayons pas peur des mots – de l’action de l’Etat et des administrations.

 

Cette nouvelle manière de concevoir le rôle des députés devra s’accompagner de pouvoirs nouveaux : on parle souvent du contrôle sur place, et sur pièces. En effet, au niveau national, dans les ministères, les députés doivent pouvoir se rendre, lorsqu’ils sont investis d’une mission d’évaluation, dans un ministère et demander qu’on leur donne toute pièce nécessaire à l’évaluation de la politique. Mais je défends aussi l’idée que ce soit valable au niveau local. Les députés doivent pouvoir évaluer l’action des administrations et des opérateurs publics, en se rendant, sans autorisation préalable, dans les services publics. Songeons que cela se fait aujourd’hui pour un lieu si particulier qu’est la prison et tous les lieux de privation de liberté, et on n’aurait pas le droit de le faire dans d’autres administrations, dans d’autres services publics pourtant beaucoup moins sensibles ?

Les députés doivent pouvoir contrôler la bonne mise en œuvre des décrets d’application et vous le savez, nous avons proposé un délai maximum de six mois. Les services du Premier ministre nous ont dit d’ailleurs qu’aujourd’hui c’était le cas pour 95% des décrets d’application. Tant mieux. Inscrivons-le dans notre Constitution car cela n’a pas toujours été le cas.

Cela dépendra, évidemment, de la réforme de la Constitution, notamment de celle de la procédure législative : nos propositions, Monsieur le Président du Sénat, Monsieur le Premier ministre, sont sur la table.

Je veux dire un petit mot supplémentaire sur cette réforme constitutionnelle qui est un rendez-vous majeur pour notre Parlement en 2018. Bien sûr, il doit y avoir dans ce projet les sujets les plus médiatiques :

-         La réduction du nombre de parlementaires de 30%. Il y a aujourd’hui un plafond qui est fixé dans la Constitution, abaissons ce plafond de 30%.

-         La limitation à 3 mandats dans le temps, pour les députés, pour les sénateurs, mais aussi pour toutes celles et ceux qui détiennent un mandat exécutif local. Je rappelle tout de même que cela ferait une possibilité de siéger 15 ans pour un député, 18 ans pour un sénateur et tout autant pour un maire, un président de conseil départemental, président de conseil régional. Qu’on ne me dise pas qu’on n’a pas le temps d’agir, de transformer, de mener à bien les projets en 18 ans. Il faut absolument que cela soit dans le projet de réforme constitutionnelle.

Bien sûr il doit y avoir dans le projet de réforme, d’autres sujets tel que la réforme du CSM, la suppression de la CJR, la suppression du droit de siéger à vie au Conseil constitutionnel pour les anciens Présidents de la République, la suppression des verrous constitutionnels à la décentralisation et à la diversification de nos modes d’organisation des collectivités locales, également la ratification de la Charte des langues régionales, nous nous y sommes engagés, en tout cas pour la majorité. Je veux dire aussi au passage que l’Assemblée nationale, tout autant que le Sénat qui revendique souvent d’être la Chambre des collectivités locales, nous nous sommes la chambre de la diversité territoriale. Je le revendique comme tel. Les députés sont élus dans tous les territoires de France et ils représentent et l’unité nationale et en même temps la diversité territoriale, les langues et cultures régionales, la diversité de nos statuts de collectivités locales et cela continuera. Il faut que ce soit dans la Constitution, que ce soit possible, en tout cas que ce soit rendu possible par la Constitution.

Mais tous ces sujets identifiés depuis longtemps, s’ils doivent être traités, s’ils doivent être réglés, nous manquerions à notre devoir si nous ne profitions pas de cette réforme constitutionnelle pour répondre à la défiance politique, civique, démocratique qui est récurrente dans notre pays. Et la meilleure réponse au populisme dont je parlais tout à l’heure, à l’abstention, c’est de toujours renforcer notre démocratie. Du droit de pétition dont nous avons parlé dans le groupe de travail sur l’ouverture de l’Assemblée à la société, la démocratie participative, à la transformation de la procédure législative, il faut un Parlement plus ouvert, plus représentatif et plus efficace.

Mais le bon fonctionnement, le renforcement du Parlement, de ses conditions de travail dépendra également des choix du gouvernement.

 

Notre programme pour le semestre à venir s’annonce encore riche. Je citerai les principaux textes qui ont été inscrits à notre ordre du jour ou qui ont été annoncés, Monsieur le Premier Ministre, par le gouvernement : droit à l’erreur (enfin vous lui avez donné un autre nom qui je l’avoue est plus difficile à retenir et un peu obscur), la protection des données personnelles, le mode de scrutin des élections européennes, la Nouvelle-Calédonie, la loi de programmation militaire, le logement, la révision de la Constitution, l’immigration bien sûr…

Notre programme de travail ne va donc pas faiblir et je crois pouvoir dire, en votre nom à tous, m’exprimer au nom de tous les députés, que nous comptons sur le gouvernement pour que ce programme de travail soit raisonnable et réaliste. Le Président de la République avait lui-même évoqué lorsqu’il était en campagne, un partage du temps de travail des députés, moitié-moitié : moitié travail législatif, moitié travail d’évaluation et de contrôle. Il faut aussi y veiller dans les décisions concrètes d’ordre du jour que nous prenons.

Je ne m’exprimerai pas aujourd’hui sur les grands sujets d’actualité. Je le ferai bien sûr à d’autres occasions. Comme tout le monde, je participe au débat public. Mais je ferai tout pour que ces grands débats aient lieu à l’Assemblée nationale. Je pense à des sujets aussi variés que la laïcité par exemple, des sujets aussi sur la bioéthique, nous aurons à nous en saisir dans les semaines et les mois qui viennent. Je pense que notre rôle, et c’est cette conception de l’Assemblée que je défendrai, ce n’est pas de mettre en scène des oppositions irréductibles – bien sûr il y en a et chacun peut s’exprimer et peut évidemment voter contre. D’ailleurs au passage, nul besoin de déposer des centaines d’amendements quand on est contre un texte, il suffit d’être présent au moment du vote pour voter contre, ou au début du texte pour exprimer ses arguments contre. Mais ce que je crois, c’est que l’Assemblée nationale, le Parlement est là pour bâtir par le dialogue les bons équilibres. Sur ces sujets, il faut trouver des équilibres. Beaucoup de gens disent parfois leur slogan dans la rue, dans les syndicats, mais aussi parfois dans les partis politiques, c’est « on ne lâche rien ». Et bien non ! C’est antinomique avec la démocratie. L’exercice de la démocratie c’est justement d’essayer, chaque fois que c’est possible, de rapprocher les points de vue et de trouver les bons équilibres.

Vous l’avez compris, cette année 2018 sera une année importante pour l’Assemblée nationale. Je sais pouvoir compter sur la mobilisation de chaque député. Vous pouvez compter sur la mienne pour défendre le Parlement et pour renforcer sa crédibilité, renforcer aussi son ouverture internationale. Nous aurons la semaine prochaine, une belle initiative franco-allemande avec le Bundestag qui étudiera le lundi 22 janvier au matin, la même proposition de résolution sur les relations franco-allemandes et sur l’Europe que nous étudierons et que, je l’espère, nous adopterons l’après-midi même. Vous pouvez donc compter sur moi pour mener à bien les transformations de l’Assemblée que nous avons enclenchées.

Je vous souhaite maintenant, à toutes et à tous, ainsi qu’à vos proches, une excellente année 2018. Une année de renforcement du Parlement ! Merci.