G7 parlementaire – Session 3
Intervention sur la« transition énergétique
pour un développement durable »
(Rome, 8 septembre 2017 – 14H45)
Madame et Messieurs les Présidents,
Je m’exprime devant vous dans un contexte particulier, sur un sujet à la fois au cœur de l’action de nos parlements, au cœur de mon engagement politique, et au cœur de l’actualité.
L’actualité, pour la France, c’est la désolation causée par le passage d’ouragans d’une force exceptionnelle, parmi les plus puissants jamais enregistrés dans l'Atlantique nord. Et si le lien ne peut être établi scientifiquement de manière formelle entre réchauffement climatique et ces désastres météorologiques, nous devons avoir à l’esprit l’avertissement de Jean Jouzel, ancien vice-président du GIEC , qui estime qu’« intuitivement, on peut dire qu'il y a un lien de causalité ». « Ce qui est certain, poursuit le scientifique, c'est que la température de l'océan Atlantique contribue largement à la formation des ouragans ». Or, l'océan est le principal réceptacle du réchauffement climatique. C’est dire que notre discussion d’aujourd’hui revêt en ces instants une importance toute particulière.
Je ne pouvais évidemment pas débuter mon propos par un autre point de vue : nous ne sommes sans doute pas nombreux ici à avoir présidé un groupe écologiste dans nos assemblées respectives…
Mais au-delà même de cette actualité dramatique, et de nos engagements respectifs, cette discussion a toute sa place dans nos travaux, car elle est au cœur du travail de chacune de nos Assemblées.
Tous, nous avons à répondre d’une situation de crise énergétique : dans le contexte de changement climatique et de raréfaction des ressources, chacune de nos nations doit faire face à un défi énergétique qui exige un engagement et un effort collectif pour :
- Lutter contre le changement climatique et réduire nos émissions de gaz à effet de serre
- Assurer la sécurité de notre approvisionnement énergétique et réduire notre dépendance à des énergies fossiles par nature finies
- Garantir des prix de l’énergie stables assurant notre compétitivité et l’accès de tous à l’énergie.
Ces trois défis, nous pouvons les relever, à deux conditions : aborder ces questions qui conditionnent l’avenir de l’Humanité de manière coopérative et concertée, et trouver les voies les plus adaptées à nos propres situations pour y parvenir.
La coopération internationale est à l’œuvre. Elle peut connaître des périodes d’accélération ou de ralentissement, d’espoirs ou de doute. Mais elle est une réalité.
En soutenant l’accord de Paris, les pays du G7 ont tous formulé des objectifs de réduction de leurs émissions dans leurs contributions nationales, acceptant pour les pays développés un rôle moteur dans la transition énergétique mondiale. Même si les États-Unis ont signalé depuis le 1e juin 2017 leur intention de se désengager de l’accord de Paris– ce qui ne pourra en tout état de cause avoir de conséquences concrètes avant 2020-, nous devons nous réjouir que les 6 autres États du G7 aient réaffirmé l’engagement pris à Paris.
La France y prendra toute sa part. Le Président de la République a confirmé la volonté de la France de mettre en œuvre ses engagements de réduction de ses émissions dans le cadre de l’accord de Paris. Cet engagement a ainsi été réaffirmé avec le plan climat du gouvernement présenté en juin, visant la neutralité carbone en 2050, et qui entame la sortie des énergies fossiles. Ces mesures permettront, par exemple, de décarboner notre production d’électricité et de fixer un prix de carbone : avant de quitter Paris pour rejoindre nos travaux, j’ai d’ailleurs saisi la commission du développement durable de l’Assemblée nationale du projet de loi du gouvernement qui programme la fin de la recherche et de l’exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels.
Au-delà de sa politique intérieure, la France soutient la mobilisation internationale en faveur de la transition énergétique, au sein de groupes comme le G7 ou le G20, mais aussi en accompagnant les pays en développement dans leur adaptation au changement climatique et dans la décarbonation de leurs économies, ainsi qu’en appuyant les acteurs non-gouvernementaux.
Nous sommes donc engagés dans un mouvement collectif pouvant donner un sens concret au mot de « communauté internationale ». Nos Parlements respectifs jouent un rôle fondamental dans la formation de la conscience des opinions publiques sur cet enjeu essentiel. Par nos travaux, nous contribuons à éclairer les consciences, à inscrire la question dans le débat politique, à sensibiliser et à informer nos concitoyens.
Et par nos décisions, nous élaborons des solutions conformes aux situations spécifiques à chacune de nos Nations, façonnées par des géographies, des histoires énergétiques et économiques, et des réalités industrielles singulières.
Car si les défis nous sont communs, si les objectifs – notamment en termes de réduction de nos émissions de gaz à effets de serre – doivent être partagés, nos solutions ne seront efficaces qu’élaborées au plus près des citoyens, et dans un cadre qui garantit leur légitimité démocratique et leur acceptabilité sociale.
Nous agissons chacun dans des cadres géopolitiques différents. Pour la France, le premier cadre de l’action, c’est l’Union européenne.
L’Union européenne s’est donnée pour objectif de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 80 à 95% d’ici 2050 par rapport à 1990. Ce choix relève d’une conviction commune : nous nous imposons une contrainte importante mais nécessaire, et nous voulons que l’Union européenne fasse figure de modèle en matière de transition énergétique. Ces transformations exemplaires nous permettent de peser activement et positivement sur les négociations internationales sur le climat, comme lors de la COP21 en France.
Plus spécifiquement, les instruments utilisés par l’Union européenne pour parvenir à cet objectif sont déterminants et variés :
Les instruments fondés sur le marché, tel que notamment le système d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre.
Les instruments techniques, directives ou recommandations, présentes notamment dans le paquet énergie-climat, et dans sa nouvelle version en cours de négociation au niveau européen
Le soutien en matière d’innovation et de recherche, indispensable pour développer sans cesse les nouvelles solutions toujours plus efficaces.
L’efficacité de ces instruments implique un engagement actif et rigoureux de chaque État membre. Le rôle des Parlements nationaux est la clé de voute de cette action collective.
Il est ainsi de notre responsabilité de traduire dans nos législations nationales les directives européennes, et de garantir leur respect.
La loi de transition énergétique pour la croissance verte votée par le Parlement français en 2015 est un bon exemple.
Son élaboration a permis un formidable débat collectif et citoyen sur nos besoins énergétiques et sur la meilleure façon d’y répondre. Elle a mis en lumière de multiples expériences de terrain, issues notamment des collectivités territoriales. Les débats ont permis de définir avec l’ensemble des acteurs, un nouveau modèle de production et de consommation énergétique, de mettre en lumière les défis propres à notre pays, tant pour le développement des énergies renouvelables dans l’électricité, avec un bouquet énergétique encore dominé par le nucléaire, que pour la rénovation du parc de bâtiments et l’accès à l’énergie pour tous.
Cette loi a également permis d’amorcer la transformation des mentalités et des comportements de nos citoyens. L’engagement citoyen est indispensable pour relever des défis de cette envergure. Sans le travail de pédagogie des parlementaires auprès de nos populations, cette transformation ne saurait être possible. Faire la loi n’est pas seulement poser et faire respecter une norme. C’est aussi entraîner une collectivité sur un nouveau chemin.
Enfin, nous Parlements nationaux avons également une obligation d’exemplarité. Exemplarité de nos pratiques vis-à-vis de nos citoyens (optimisation énergétique de nos bâtiments et de notre façon de travailler au sein même de nos assemblées) ; exemplarité vis-à-vis de nos partenaires étrangers (réceptions exemplaires du point de vue environnemental, visites de nos territoires pour mettre en valeur les expériences réussies).
Je peux en témoigner : la loi française de transition énergétique a engagé une transformation en profondeur, qui affecte le logement, la mobilité, la production énergétique, et plus largement nos modes de vie et de consommation. Elle pose les grands principes d’une nouvelle solidarité préservant notre environnement. Elle est le socle de nouveaux plans d’actions ambitieux, comme le récent Plan Climat présenté par le ministre de la transition écologique et solidaire Nicolas Hulot le 6 juillet dernier.
Notre rencontre d’aujourd’hui est précieuse, et je suis encore une fois honoré et satisfait d’y intervenir sur ce sujet. Parce que nous sommes interdépendants. Parce que nous devons partager nos réussites, mais aussi nos doutes ou nos échecs, animés d’une double volonté : nous inspirer de ce qui marche, et aider nos partenaires à trouver des solutions innovantes pour leurs propres pays.
Je vous remercie.