Allocution de fin de session - 26 juin 2018

Allocution de fin de session

Hémicycle – Mardi 26 juin 2018 à 16 h

SEUL LE PRONONCE FAIT FOI

 

Monsieur le Premier ministre,

Mesdames et messieurs les ministres, monsieur le ministre des Relations avec le Parlement,

Mesdames et messieurs les députés, chers collègues,

Le discours de fin de session est une tradition de la Ve République, et j’ajouterai une saine tradition.

D’abord parce que dresser des bilans et rendre des comptes, cela fait partie intégrante de notre mandat.

Ensuite parce que cela permet de tirer des leçons de cette première année de législature au moment si particulier où nous nous apprêtons à engager la réforme de la Constitution.

Ce bilan, je le fais d’abord et avant tout pour mettre en valeur le travail des députés, si souvent mis en cause, que ce soit par la résurgence d’un vieil antiparlementarisme ou par des classements aussi réducteurs que simplistes.

Au mois de juin dernier, près de 430 nouveaux députés, et surtout nouvelles députées, ont été élus pour la première fois. Le renouvellement a été voulu par la majorité et les électeurs l’ont validé. Les électeurs l’ont aussi voulu pour d’autres sensibilités politiques et ce renouvellement, on le retrouve de la gauche à la droite de cet hémicycle.

Ce renouvellement est aussi le résultat concret de l’entrée en vigueur de la loi votée en 2013 mettant fin au cumul des mandats. Notre Assemblée est la première Assemblée du non-cumul. C’est un changement profond dont nous n’avons pas encore tiré toutes les conséquences.

De la même façon, nous sommes les premiers à avoir adopté une réforme globale de notre statut : ainsi pouvons-nous retisser un lien de confiance avec nos concitoyens car les premiers changements, nous nous les sommes appliqués à nous-mêmes.

Avec sept groupes parlementaires, dont cinq se sont déclarés d’opposition, la composition de notre hémicycle est également inédite. L’Assemblée nationale joue donc son rôle : elle représente la diversité des opinions politiques des Français.

Cela amène aussi à retrouver ici différentes conceptions du mandat de député.

Certains remettent au goût du jour la fonction tribunitienne de l’Assemblée, modernisée par l’utilisation de Facebook, Twitter et YouTube.

D’autres se réfèrent strictement à la tradition de la Ve République.

D’autres enfin cherchent à innover, notamment en cultivant de nouveaux modes d’interaction avec les citoyens.

Quelles que soient nos différences d’approche, sachez que je les respecte toutes. Et mon rôle, ma responsabilité, est de garantir ici, à la fois, la plus grande liberté d’expression et la capacité de chacune et de chacun à s’exprimer sereinement.

En défendant ces principes ensemble, c’est la démocratie parlementaire que nous défendons.

En une année, nous avons siégé pendant plus de 1 329 heures en séance.

Ce sont au total 92 textes qui ont été examinés, dont 67 projets et 25 propositions de loi, sans compter les nombreuses conventions internationales que nous avons ratifiées.

Et ce sont plus de 19 000 amendements qui ont été discutés dans l’hémicycle, dont plus de 2 800 ont été adoptés. Il convient d’ailleurs de signaler que plus d’un amendement adopté sur six provenait d’un groupe d’opposition. Sur 7 propositions de loi définitivement adoptées, 4 étaient défendues par des groupes d’opposition.

C’est là un bilan dont nous pouvons collectivement être fiers.

Rappelez-vous, il y a quelques mois, le procès en amateurisme contre les nouveaux députés. Ne nous y trompons pas, ce procès c’était le procès du renouvellement.

Aujourd’hui, notre Assemblée, composée de ces députés que certains disaient inexpérimentés, a abattu un travail considérable.

Mais ce travail ne saurait se réduire, loin s’en faut, aux données chiffrées que je viens de rappeler. Gardons-nous d’évaluer la qualité de l’activité parlementaire d’un point de vue purement quantitatif !

Le travail des députés ne se résume pas à leur présence dans l’hémicycle, loin de là. En 1993, dans son discours de fin de session, Philippe Séguin disait déjà : « Les députés qui ne sont pas en séance ne sont généralement ni au cinéma ni en villégiature. »

 

Que ce soit dans les médias ou dans des échanges directs avec des citoyens, je le dis et le redis toujours : les députés travaillent dans l’hémicycle mais ce n’est qu’une petite partie de leur activité.

Les députés travaillent en commissions, dans les commissions d’enquête, les missions d’information, ou encore les groupes d’études.

Les députés travaillent enfin sur le terrain, notamment dans leur circonscription.

 

Je vous invite, mes chers collègues, à assumer cela collectivement et individuellement. N’ayez pas peur.

Dites-le, expliquez-le, répétez-le du premier au dernier jour de votre mandat.

Les Français sont clairvoyants : quand on leur explique, ils comprennent très bien et ne fondent pas leur jugement sur la base de quelques classements aux critères contestables.

 

Le travail, disais-je, ne se réduit pas aux statistiques. Les bilans chiffrés soulignent surtout à quel point nous avons touché les limites de nos modes de fonctionnement.

Ni l’inflation législative ni celle des amendements ne font de bonnes lois. Déjà en 1991, dans son rapport annuel, le Conseil d’État disait : « Lorsque le droit bavarde, le citoyen ne l’écoute plus. » Jolie formule, qui vient rappeler que les débats les plus longs ne sont pas les meilleurs, les lois les plus touffues non plus.

 

Mes chers collègues, la révision constitutionnelle à venir est l’occasion – et je vous invite à la saisir –, de rendre le Parlement plus fort en le rénovant. Et c’est bien parce qu’il sera rénové qu’il sera renforcé.

 

Cette rénovation repose selon moi sur trois piliers.

Le premier pilier est une meilleure prévisibilité de nos travaux, qui suppose un ordre du jour législatif prévisionnel donné par le Gouvernement au moins au début de chaque session ;

Le deuxième pilier est une réforme des modalités d’examen des projets et propositions de loi, qui nous permette de concentrer nos débats sur les vrais enjeux, ceux qui engagent l’avenir de nos concitoyens et pour lesquels nous avons, les uns et les autres, été élus ;

Le troisième pilier, enfin, est le renforcement de notre mission d’évaluation des politiques publiques et de contrôle du Gouvernement.

 

Clemenceau disait : « … pour faire vivre une démocratie, il faut intervenir directement dans les affaires publiques, demander au Gouvernement de rendre compte de ses actes. »

 

Pour exercer pleinement cette mission, il nous faut nos propres outils, au premier rang desquels une agence parlementaire de contrôle et d’évaluation, qui fournira son expertise à l’ensemble de la représentation nationale.

 

La France a tout à gagner d’un Parlement puissant, avec une Assemblée nationale légitime, indépendante, capable de bien légiférer et de bien évaluer l’efficacité des lois et des budgets.

 

Durant cette première session qui s’achève, nous avons beaucoup travaillé, grâce à l’engagement personnel de chacune et chacun d’entre vous.

Grâce aussi, ne l’oublions jamais, au travail à nos côtés de nos collaborateurs parlementaires, mais aussi de l’ensemble des personnels de l’Assemblée nationale, mis à l’épreuve ces derniers mois. Permettez-moi de rendre hommage, en votre nom, à leur sérieux, à leur dévouement et à leur disponibilité.

La session ordinaire se termine, oui, mais les transformations continuent. La session extraordinaire va s’ouvrir et avec elle la perspective d’une transformation importante de nos institutions.

Nous avons l’occasion de redonner de la légitimité et du poids au Parlement. Un Parlement mieux organisé, plus efficace et plus utile. C’est ce que j’appelle la bataille du Parlement. Menons-la, et menons-la ensemble.