Voeux à la presse

Monsieur le Président de l’Association des journalistes parlementaires, cher Jean-Pierre Gratien,

Mesdames, Messieurs,

Bonjour à toutes et à tous, bienvenue ici à l’Hôtel de Lassay, puisque vous souhaiter la bienvenue à l’Assemblée nationale, je ne crois pas que ce soit nécessaire.

Je vous remercie tout d’abord pour vos vœux.

En mon nom propre et je crois pouvoir dire au nom de la Représentation nationale, je vous adresse également mes meilleurs vœux pour 2018, d’abord pour vous à titre personnel, mais aussi, c’est cela qui nous réunit, à titre professionnel et politique puisque vous êtes dans une profession à la charnière du journalisme, des médias et de la politique. Et puis à travers vous aussi, puisque nous sommes retransmis, j’adresse mes meilleurs vœux à nos compatriotes de France métropolitaine, d’Outre-mer et même aux français de l’étranger qui sont nombreux. Je leur adresse tous mes vœux pour une excellente année 2018 et aussi parce qu’ils sont vos téléspectateurs, vos auditeurs ou vos lecteurs tout au long de l’année et au quotidien et c’est très important.

Je ne vais pas m’exprimer, j’avais eu l’occasion de le faire lorsque vous m’avez invité devant l’association sur à la fois le rôle – et je crois que nous n’avons pas grand-chose à dire en ce qui nous concerne, ce serait malvenu sur le rôle des journalistes dans l’Assemblée – en tout cas vous savez que vous êtes toujours les bienvenus et que moi j’œuvrerai toujours pour qu’il y ait la plus grande ouverture à la presse. Il y a d’ailleurs des propositions nouvelles qui ont été faites au mois de décembre dernier par les députés qui ont travaillé sur l’ouverture de l’Assemblée. Je ne m’exprimerai pas là-dessus, ce n’est pas l’envie parfois qui nous en manquerait, je ne vous le cache pas, y compris sur la façon d’exercer ce beau métier d’informer mais ce n’est pas mon rôle et ce n’est pas le sujet du jour. De même que pour répondre par avance aux interpellations, je ne m’exprimerai pas spécialement sur le calendrier de travail législatif thème par thème ce matin, j’aurai l’occasion de le faire devant les députés le 16 janvier, dans quelques jours, ni sur un certain nombre de sujets d’actualité et là je le fais bien volontiers lorsque vous m’inviter ou lorsque vous m’interviewer ; je le ferai d’ailleurs aussi en tant que Président de l’Assemblée nationale même si je ne veux pas , parce que je crois que par fonction on peut prendre de ka hauteur, être dans toutes les controverses et encore moins dans toutes les polémiques du jour je crois qu’il peut y en avoir plusieurs par jour, mais je vais être amené en 2018 à m’exprimer, peut-être un peu plus que je ne l’ai fait au deuxième semestre 2017 sur un certain nombre de grands sujets de fond qui je crois d’ailleurs, au-delà de la diversité de notre Assemblée, peuvent être des sujets d’unité nationale, de rassemblement. Je pense notamment à des questions aussi diverses que la laïcité par exemple ou l’égalité femmes-hommes, des sujets sur lesquels beaucoup de députés de tous groupes d’ailleurs sont engagés et ont des choses à dire même si évidemment ce sont des sujets aussi de débat.

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L’Assemblée nationale, j’ai coutume de dire qu’elle est le cœur battant de la démocratie. Ma mission en 2018, comme pour toute la durée de mon mandat, pour les quatre prochaines années, sera  de faire battre le cœur de la démocratie française ici à l’Assemblée nationale.

C’est le sens de la transformation que j’ai engagée dès après mon élection à la présidence de l’Assemblée. C’est sur ce mandat que je me suis d’ailleurs présenté et que j’ai été élu par mes pairs.

La représentation nationale, souvent, trop souvent ces dernières décennies, n’a engagé, pour elle-même, des transformations que lorsqu’elle y était acculée par la pression extérieure, notamment sous la pression médiatique. Or, je considère que l’illusion du confort qu’offre l’immobilisme en politique ne dure qu’un temps.

Beaucoup je crois l’ont appris à leurs dépens : tôt ou tard, les atermoiements et les réformes trop longtemps différées mènent à une impasse : les transformations deviennent alors soit impossibles, soit brutales et non maîtrisées.

Je n’oublie pas, je le dis en ce début d’année 2018, le résultat des dernières élections. Vous y avez fait allusion, cela peut paraître déjà très loin et pourtant c’était il y a à peine plus de six mois. D’abord, du premier tour de l’élection présidentielle en France, qui a vu Emmanuel Macron arriver en tête, certains semblent l’oublier, le dénier mais c’est un fait, à l’issue d’un parcours inédit, et en même temps deux candidats populistes et radicaux à ce même tour de l’élection présidentielle ont réuni plus de 40% des suffrages des Français.

Je n’oublie pas non plus le résultat du second tour ensuite, qui a vu Emmanuel Macron être largement élu Président de la République par deux électeurs sur trois (lointain écho aux deux français sur trois), et en même temps la présidente du Front national qui a réalisé un score très supérieur à celui de son père 15 ans plus tôt.

Je n’oublie pas non plus évidemment les résultats des élections législatives, marqués, je crois que beaucoup l’oublient y compris peut-être parmi vous, à la fois par une confirmation très nette du vote de l’élection présidentielle par le soutien accordé dans les urnes aux candidats de « La République en marche ! » et une forte baisse, celle-là a été moins relevée, du vote populiste, dans un contexte de forte abstention.

Je le dis à propos de cette abstention, personne ne peut s’autoproclamer porte-parole de ces Français qui, pour la première fois à une élection nationale, se sont majoritairement abstenus. Personne ne peut non plus prétendre qu’une majorité alternative aurait pu exister quand on regarde ces résultats.

La majorité actuelle a donc tout à la fois la légitimité pour mettre en œuvre son programme, pour agir, et le devoir de répondre à cette crise démocratique sans précédent.

Vous l’avez redit, je le dis souvent, mon ennemi, c’est la défiance ! La défiance politique, civique et démocratique - je ne dirai pas médiatique, ce n’est là que votre affaire. C’est le sens des réformes que j’ai engagées ici à l’Assemblée nationale et de celles qui seront à l’ordre du jour du premier semestre notamment 2018, à commencer par la réforme de la Constitution.

Je n’ai pas été élu uniquement pour gérer au jour le jour l’Assemblée nationale. J’ai été élu pour la transformer en profondeur.

Mon rôle, c’est donc de faire vivre ce collectif humain et politique, ce collectif pluraliste que les députés forment par la volonté des Français, par les élections.

Mon rôle, c’est d’impulser et d’accomplir les transformations démocratiques sur lesquelles je me suis engagé personnellement.

Mon rôle, enfin et vous le verrez sans doute encore plus en 2018, c’est de défendre l’Assemblée nationale, de défendre un Parlement plus autonome et plus fort et de le défendre face aux attaques répétées qui n’ont pas manqué ces derniers mois et qui j’en suis convaincu, ne manqueront pas dans les mois et les années qui viennent.

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Pendant les six premiers mois de mon mandat, j’ai exercé mon autorité de Président de l’Assemblée nationale, je crois sans autoritarisme, ce n’est pas moi le meilleur juge car je crois que ça ne sert à rien et que cela mène à des blocages. Je m’appuie simplement sur les règles. Les règles si elles ne conviennent pas, on peut les changer, on peut proposer de les changer. Je propose moi-même d’en changer un certain nombre. Mais en attendant, c’est mon devoir, c’est mon rôle de les faire respecter, y compris en prenant des sanctions quand c’est nécessaire par rapport à des comportements. Je l’ai fait plusieurs fois, je l’assume pleinement et je le referai chaque fois que ce sera nécessaire. Je constate d’ailleurs que j’ai été suivi par le Bureau de l’Assemblée nationale systématiquement. En revanche, je le dis aussi, j’ai refusé de faire une quelconque police de la parole malgré les demandes venant de différents groupes successivement qui en général demandent l’inverse lorsqu’ils sont visés par une demande. Ces demandes contradictoires je les ai refusées car je considère que le principe fondamental de l’Assemblée nationale, c’est que la parole y est libre. Les débats, c’est l’échange d’arguments, de raisonnements, par la parole justement. J’y veillerai dans une configuration inédite à l’Assemblée nationale, vous n’avez pas souligné ce point, qui est qu’il y a sept groupes parlementaires, qu’il y a des oppositions, souvent on disait la majorité et l’opposition, maintenant on dir la majorité et des oppositions très diverses, c’est tant mieux, c’est le respect aussi du pluralisme et des droits de l’opposition auxquels je veille personnellement même si parfois cela peut déplaire y compris à la majorité ou au gouvernement.

Des six premiers mois de notre mandat, je tire quatre enseignements.

Premièrement, l’Assemblée est au travail !

La période de rodage est bel et bien terminée. Après une phase d’installation sur laquelle je ne m’étendrai pas où chacun devait prendre ses marques, cela a duré quelques semaines, c’est normal, ça peut toujours arriver, chacun est à sa place, chacun est dans son rôle.

Les coups d’éclat dans l’hémicycle, c’est une chose. Et nous savons d’expérience combien ils bénéficient d’un certain écho, parfois large… souvent grâce à vous d’ailleurs ! Mais je dois dire qu’on a l’impression qu’ils s’adressent plus à vous d’ailleurs qu’aux Français dans le fond. Mais le travail parlementaire, c’est une autre chose, c’est un autre enjeu. Il est d’ailleurs assez étrange que ceux-là même qui n’ont pas de mots assez durs pour dénoncer la course à l’audience, j’ai envie de dire votre course à l’audience, ne cessent de se glorifier dans le même temps du nombre de retweets ou du nombre de vues sur YouTube de telle ou telle intervention, y compris dans l’hémicycle.

Or, j’ai eu l’occasion de le dire à la suspension de nos travaux avant Noël : jamais, dans l’histoire de notre République, l’Assemblée nationale n’avait autant travaillé, oui travaillé, j’insiste sur ce mot au cours des six premiers mois d’une législature :

  • Plus de 150 séances,
  • 616 heures de débats ;
  • 68 textes examinés dont 36 textes ont été adoptés définitivement ;
  • Plus de 8000 amendements discutés et c’est le plus important, dont plus de 1500 ont été adoptés ;

Et encore ce bilan n’est-il que quantitatif. Évidemment, le travail de l’Assemblée ne se mesure pas que par des outils quantitatifs. Les effets concrets de ce travail législatif viendront se faire sentir dans le temps, au fur et à mesure de l’application des mesures votées. Ce qui est sûr, c’est que tout a été débattu de façon pluraliste. Tout le monde a pu s’exprimer, dans tous les débats. Que ce soit sur les ordonnances sur le code du travail par exemple ou la suppression de la taxe d’habitation, tout a été examiné et débattu ici à l’Assemblée nationale. Tous les arguments et toutes les contre-propositions, y compris quand elles se résumaient à la défense du statu quo, tout aura été présenté, défendu et débattu ici à l’Assemblée nationale. C’est bien la moindre des choses me direz-vous, mais c’est important de le rappeler parce que certains voudraient le faire oublier.

Deuxième enseignement, l’Assemblée est en ordre de marche!

Nous avons réglé les difficultés liées à la mise en place de l’Assemblée et notamment le Bureau de l’Assemblé nationale en juin dernier.

Avec une méthode à laquelle je tiens. D’abord, on identifie les problèmes. Ensuite, je propose des solutions par le dialogue et enfin je recherche des majorités larges pour les faire adopter. Ce n’est pas toujours facile, mais on y arrive.

Je l’ai fait, par exemple, en portant personnellement la modification du Règlement qui a permis de garantir de façon explicite le respect de la proportionnelle des groupes au sein du Bureau. C’était la condition mise par le principal groupe d’opposition, le groupe Les Républicains, pour réintégrer cette instance. J’ai pris cet engagement devant eux et il a été tenu, avec l’appui, je les en remercie d’ailleurs, des deux groupes de la majorité.

Et lorsqu’un Questeur a décidé de rejoindre la majorité en adhérant à « La République en marche ! », ce dont moi je peux me féliciter sur le fond bien sûr, j’ai rappelé de façon très ferme, qu’il ne pouvait rester à son poste et j’ai pu le faire en m’appuyant justement sur la réforme du Règlement que j’avais fait adopter.

Enfin, à mon initiative, nous avons rappelé les principes de fonctionnement de l’Assemblée, de sa gestion et de son administration. La maison de la démocratie est gérée de manière démocratique et c’est le Bureau qui constitue sa plus haute instance de décision, justement parce que tous les groupes y sont représentés.

Troisièmement, l’Assemblée se transforme !

L’année 2017, vous l’avez rappelé, a connu un profond renouvellement politique.

Le renouvellement des visages, je le dis souvent, doit s’accompagner d’un renouvellement des pratiques. Ce n’est plus simplement une promesse, c’est maintenant d’ores et déjà une réalité !

Des réformes trop longtemps différées ont ainsi été adoptées à mon initiative et sont désormais mises en œuvre et j’y veille personnellement :

  • la fin du régime spécial de retraite des députés ; alors que pour l’instant, la réforme des retraites est encore lointaine, nous avons pris l’initiative sans y être acculés, voilà un exemple concret
  • l’alignement des allocations chômage des députés sur le droit commun ;
  • la suppression de la gratuité SNCF qui existait à vie pour les députés honoraires ;
  • l’interdiction des emplois familiaux ; ça avait été une polémique très forte de la première partie de l’année 2017
  • la suppression de la réserve parlementaire ;
  • la mise en place d’un dispositif sans précédent de contrôle des frais de mandats, sur justificatifs. Il suffit de regarder la réaction de députés, plutôt d’anciens députés je devrais dire, pour voir à quel point c’est un changement qui gêne certains, mais nous l’assumons pleinement, c’est un devoir de transparence et de rendre des comptes que nous devons aux Français.

Il fallait régler ces questions, disons-le sans détour, liées à l’argent et à la politique mais nous n’allons pas y passer le mandat. Nous n’allons même pas y passer l’année 2018, je le dis ici très clairement. D’abord parce que les députés ne sont pas des voleurs, ne sont pas des délinquants en puissance ! Je le dirai et le redirai chaque fois : ça suffit ce procès permanent, ce soupçon permanent, cette insinuation permanente. On est même allé jusqu’à mettre en cause le sapin que vous avez pu voir dans cette entrée. Le cœur du projet de la revalorisation du Parlement n’est pas là. Mais justement pour parler du reste, il fallait solder cet héritage du passé et nous l’avons fait sans tarder.

L’année 2018 sera donc placée sous le signe des réformes de fond.

L’Assemblée, et c’est le dernier enseignement, prépare l’avenir.

Nous sommes les héritiers d’une longue histoire et nous préparons l’avenir de l’institution. Je veux en quelque sorte livrer à mon successeur en 2022, une Assemblée nouvelle, profondément nouvelle et pas simplement en disant il faudrait réfléchir sur ce que sera l’Assemblée quand elle aura par exemple 160 députés en moins, mais tout préparer pour que ce soit opérationnel. Je le dis avec mon expérience. On a parlé à une époque du parlement du non cumul, mais rien n’avait été préparé. On a voté les lois et on n’a pas préparé, pas anticipé. Nous le faisons pour ceux qui viendront après nous, notamment après moi en 2022.

Les transformations les plus importantes de l’Assemblée nationale ne pourront avoir lieu sans une réforme de la Constitution. Je le dis aussi très clairement.

Le chantier en a été ouvert avec volontarisme par le Président de la République en juillet dernier.

La préparation de cette réforme est atypique, car contrairement à d’autres initiatives souvent avortées, elle n’a pas été confiée à une commission d’experts mais tout simplement au Parlement. Le 3 juillet dernier, devant le Parlement réuni en congrès, le Président de la République a demandé au Président de l’Assemblée nationale que je suis, au Président du Sénat et à la Garde des Sceaux de formuler des propositions. Le 13 décembre dernier, l’Assemblée nationale a rendues publiques plus de 60 propositions constitutionnelles concernant le statut des députés, la procédure législative, l’évaluation des politiques publiques ou la participation citoyenne.

70 députés, de tous les groupes politiques, ont été mobilisés et ont participé à ce travail, qui a été intégralement public. Plus d’une centaine d’heures de réunions, 160 personnes auditionnées, et plusieurs milliers de citoyens contributeurs : l’Assemblée nationale a donc pris ses responsabilités sans tarder pour préparer cette réforme constitutionnelle et dans un processus totalement inédit.

J’ai moi-même consulté les anciens Présidents de la République, mes prédécesseurs anciens Présidents de l’Assemblée nationale, et des constitutionnalistes.

Et en ces lieux, je constate tous les jours que les députés, de toutes tendances, mesurent pleinement l’attente de nos concitoyens sur la question démocratique. Ils mesurent aussi pleinement les dysfonctionnements et les lourdeurs de notre procédure législative. Loin de se couler dans le moule, leur détermination à transformer l’Assemblée nationale est plus forte encore aujourd’hui qu’au lendemain de leur élection.

 

*

Pour ces vœux à la presse, je souhaite présenter devant vous les principaux enjeux de cette réforme constitutionnelle et vous livrer les premières propositions que je défendrai dans les jours et les semaines qui viennent.

A ce titre, je me consacrerai principalement aux propositions qui concernent le Parlement. J’aurai l’occasion de développer ultérieurement d’autres propositions des réformes constitutionnelles qui ne touchent pas directement le Parlement.

À une époque où le Parlement est durement et parfois injustement attaqué, cette réforme constitutionnelle devra rendre le Parlement plus fort et plus respecté. Les deux vont de pair : le parlement sera plus fort s’il est plus respecté et sera plus respecté aussi s’il est plus fort.

Je vois quatre conditions pour la réussite de cette réforme constitutionnelle :

  1. Une assemblée qui représente ;
  2. Une assemblée qui s’ouvre ;
  3. Une assemblée qui évalue ;
  4. Une assemblée qui légifère efficacement.

 

D’abord, une assemblée qui représente

La représentativité de l’Assemblée nationale est la condition de sa légitimité. Je note d’ailleurs que la diversité des opinions n’a jamais été autant représentée à l’Assemblée nationale qu’aujourd’hui, alors que cette Assemblée est issue d’un vote au scrutin majoritaire. Mais la représentativité peut être encore mieux garantie.

Lorsqu’il était candidat, le Président de la République s’est engagé à introduire pour cela une dose de proportionnelle pour les élections législatives. Les candidats de la majorité devenus députés ont été élus sur ce programme en juin dernier. Nous sommes donc engagés par cela.

Il faudra, en 2018, passer aux travaux pratiques. Je plaide pour ma part pour que 100 députés soient élus à la proportionnelle sur les 400 que comptera demain notre Assemblée.

La limitation du cumul des mandats dans le temps est une des conditions du renouvellement de la vie politique française. Les élections de juin dernier ont montré qu’un renouvellement politique était possible et souhaité par les Français. Il faut se donner maintenant les moyens pour que le renouvellement soit un mouvement permanent de notre démocratie, que ce ne soit pas seulement la volonté d’un mouvement politique, que ce soit le fonctionnement de nos institutions qui le permette.

Trois mandats successifs identiques, c’est déjà la possibilité pour un député de l’être pendant 15 ans, pour un sénateur, pour un maire, de l’être pendant 18 ans. Cette réforme démocratique est largement souhaitée par les Français. Je la défends dans le cadre du dialogue constructif que j’ai avec le Président du Sénat. Je la défendrai avec beaucoup de fermeté et beaucoup de détermination.

 

[2ème condition] Une assemblée qui s’ouvre

Nos institutions sont largement fondées sur une logique de verticalité. La délégation des citoyens à leurs représentants s’exerce du bas vers le haut. Le pouvoir s’exerce, lui, du haut vers le bas. La Ve République en est un exemple très poussé. C’est ce qui permet d’avoir une certaine efficacité politique et c’est important, il ne faut pas la perdre.

Mais nous avons aujourd’hui besoin d’instiller dans nos institutions des logiques plus horizontales qui correspondent mieux au fonctionnement de nos sociétés et aux aspirations d’un grand nombre de citoyens. Les citoyens désirent pouvoir faire valoir leur point de vue et leurs contributions directement et à tout moment et je ne vois pas au nom de quoi on pourrait le leur refuser.

Si la démocratie participative ne saurait se substituer à la démocratie représentative, nous devons permettre la participation des citoyens dans le processus de fabrication de la loi.

Ainsi, je souhaite la création d’un processus d’interaction directe entre les citoyens et leurs représentants : cela passe, par exemple, par une profonde transformation du droit de pétition.

Pourquoi l’Assemblée nationale n’est-elle saisie que de quelques dizaines de pétitions par an – signées, au total, par quelques centaines de citoyens – alors que certaines pétitions, en ligne, atteignent des centaines de milliers de signatures ?

Il faut que des seuils soient instaurés et qu’une forte mobilisation des citoyens déclenche automatiquement un « droit d’interpellation » de la représentation nationale. Par exemple, si une pétition recueillait 10 000 signatures, elle bénéficierait d’une réponse de la commission compétente ou du rapporteur d’un texte de loi.

Si elle en recueillait plus de 100 000, leurs auteurs seraient entendus par la commission compétente, qui organiserait un débat et pourrait prendre une initiative législative ou de contrôle.

Si plus d’un million de signatures étaient recueillies, et si un dixième des parlementaires soutenaient l’initiative, un débat serait automatiquement inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

Pour déterminer quel serait le rôle du Conseil économique, social et environnemental dans cette nouvelle forme de participation citoyenne et avec l’accord de ce dernier, la commission des lois de notre assemblée va engager une réflexion et fera des propositions au cours du premier trimestre 2018.

Je ne suis pas de ceux qui prônent, je le dis clairement, la suppression du Conseil Économique Social et Environnemental, mais il doit absolument lui aussi se transformer profondément.

 

Les citoyens ne peuvent jouer un rôle actif que s’ils ont par ailleurs pleinement accès à l’information, pluraliste et de qualité. Ce n’est pas à vous que je l’apprendrai, je sais que vous y êtes évidemment très attachés. Je propose donc d’inscrire dans la Constitution un droit d’accès aux informations publiques, dans les conditions prévues par la loi, comme cela existe dans les pays nordiques depuis plusieurs décennies, parfois même depuis plusieurs siècles, et de reconnaitre le numérique comme un droit fondamental, en promouvant un accès libre, égal et universel aux réseaux numériques.

Cela reviendrait concrètement à constitutionnaliser ce que l’on appelle la neutralité du net. Parce que la neutralité du net, aujourd’hui menacée on le voit outre Atlantique, est un principe d'égalité et de liberté.

[3ème condition] Une assemblée qui évalue

Le contrôle et l’évaluation des politiques publiques sont le « nerf de la guerre » pour les parlements modernes.

Le Parlement français est en retard en la matière. Il faut le dire et il faut accroitre ses moyens de contrôle sur pièce et sur place, c’est-à-dire la possibilité pour les députés tant dans les administrations centrales que dans les services publics locaux de contrôler directement l’action de l’Etat.

Un député doit pouvoir aller évaluer l’exécution du budget ou consulter un rapport dans un ministère, tout comme il doit pouvoir aller évaluer l’efficacité de la dépense publique, on en parle si souvent, ou l’application d’une loi dans une école, dans un hôpital, ou dans une administration quelle qu’elle soit comme il peut aujourd’hui se rendre dans une prison. C’est quand même un comble qu’un député puisse aller à tout moment dans une prison sans prévenir et y constituer les conditions de détention de la même façon dans d’autres lieux de privation de la liberté et qu’il ne puisse pas le faire, sans avoir l’autorisation de l’administration dans les autres services publics ou entreprises publiques.

Un Parlement moderne doit par ailleurs s’appuyer sur des ressources propres plus importantes. C’est la condition de son autonomie vis-à-vis du Gouvernement.

Je propose que l’Assemblée nationale puisse nouer des partenariats avec des universités et des laboratoires de recherche pour s’appuyer sur leurs capacités d’expertise et d’évaluation.

Je propose également que les liens avec la Cour des comptes soient renforcés, pour nous appuyer sur son expertise tout en préservant son statut juridictionnel, comme avec le Conseil d’Etat.

L’Assemblée nationale doit être en mesure de disposer de sa propre capacité d’expertise, en toute autonomie, pour ne pas dépendre, pour l’essentiel, des seules informations que lui transmet le Gouvernement.

Il faut pour cela lui en donner la capacité, sans créer des doublons et des charges supplémentaires pour les deniers publics.Je proposerai donc que France Stratégie, qui compte une centaine d’experts,soit rattaché directement au Parlement,sous l’autorité du parlement pour le doter d’une capacité d’expertise propre, notamment en matière économique.

Ces moyens supplémentaires doivent également bénéficier à chaque député individuellement. Ceci sera rendu possible et ne sera rendu possible que si nous votonsla diminution du nombre de parlementaires. Il ne s’agit pas dans mon esprit, dans notre esprit, d’une mesure populiste ou d’un affaiblissement du Parlement. Au contraire, cette réduction doit permettre de donner plus de poids institutionnel à chaque député, en le dotant de davantage de moyens financiers, matériels et humains. C’est pourquoi je défendrai l’inscription dans la Constitution de la baisse de 30% du nombre de députés et de sénateurs.

 

Enfin [4ème condition] Une assemblée qui légifère

Cela pourrait peut-être vous étonner que je termine par cette fonction, qui est pourtant la première à laquelle on pense à propos du Parlement. C’est que je crois qu’une assemblée n’est aujourd’hui légitime à légiférer que si elle est représentative, ouverte sur la société et si elle a développé une expertise grâce à ses travaux d’évaluation et de contrôle.

Une bonne procédure législative, c’est une procédure qui permet, par la discussion, de faciliter les accords quand ils sont possibles, je le rappelle c’est la fonction du Parlement. Ce n’est pas de mettre en scène les oppositions, voire de les aviver, c’est de rechercher ce qui peut être un point d’équilibre. La démocratie c’est de chercher un point d’accord et c’est notre rôle concrètement à l’Assemblée nationale, au Parlement quand c’est possible et qui donne l’occasion à toutes les tendances politiques, et en particulier aux députés d’oppositions, de faire valoir publiquement, en ayant le temps, leurs points de vue, et qui,in fine, aboutit, parce que c’est quand même cela le but, il ne faut jamais le perdre de vue, à une loi claire et applicable et dont on vérifie que l’allplication répond aux objectifs initiaux du législateur. Or, il faut bien le dire, aujourd’hui, ces objectifs ne sont pas remplis.

Notre procédure favorise les oppositions théâtrales et donne une prime à l’obstruction. Elle génère des répétitions, entre le travail en commission et celui en séance publique, puis entre les différentes lectures. Nous détenons le record du nombre d’amendements débattus sous la précédente législature. En cinq ans de travail parlementaire, plus de 169 000 amendements sous la précédente législature, c’était du jamais vu. Il faut avoir le courage de regarder les choses telles qu’elles sont : l’inflation du nombre d’amendements débattus n’a en rien renforcé le Parlement. Ce n’est pas comme cela qu’on renforce le Parlement.

Ce que l’Assemblée a à apporter pour la qualité et la pertinence d’une loi dépend beaucoup plus du temps de préparation.

C’est pourquoi,je crois profondément à l’articulation entre évaluation et législation. C’est pour moi le levier pour améliorer la qualité des lois.Un Parlement moderne, autonome et fort, c’est un Parlement qui contrôle, évalue et légifère.

Pour cela,il faut donner au Parlement de la visibilité sur son agenda, au travers de la transmission, tous les trois à six mois, d’un programme législatif prévisionnel du gouvernement et de la présentation, par le/la ministre concerné, de ses intentions législatives à la commission concernée avant même que son administration n’ait rédigé un projet de loi.

Cela me parait loin d’être impossible puisque plusieurs ministres l’ont d’ores et déjà pratiqué. Je vois la loi dite de droit à l’erreur qui a été conçue de cette façon. Il s’agit de mettre le Parlement en situation d’organiser, de manière autonome et efficace, la préparation des débats.

Dans la mesure où les députés auraient le temps de préparer le débat parlementaire dès avant le dépôt des projets de loi du gouvernement,je propose une simplification en profondeur de la navette parlementaire. Après une lecture dans chaque chambre – et je suis un défenseur du bicamérisme, je l’ai souvent dit publiquement et le Président du Sénat l’a reconnu – je propose qu’une commission mixte paritaire soit automatiquement et systématiquement réunie, et qu’ensuite le dernier mot pourrait être donné à l’Assemblée nationale, sur les sujets qui n’ont pas fait l’objet d’un accord entre l’Assemblée et le Sénat. On peut parfaitement imaginer qu’il y ait ce qu’on appelle des accords partiels en Commission mixte paritaire ce qui est aujourd’hui impossible.

De même, avec l’accord d’une majorité qualifiée au sein de la Conférence des présidents de l’Assemblée, un texte pourrait être examiné uniquement en commission et ratifié en séance publique, comme le pratique le Sénat à titre expérimental depuis quelques années et c’est une procédure qu’il a décidé tout récemment de renforcer, de multiplier.

 

Enfin,nous devons prêter une attention particulière à l’application des lois, en commençant par contrôler les décrets d’application qui sont nécessaires à l’entrée en vigueur d’une loi.

Un délai de droit commun de six mois maximum pourrait être prévu dans la Constitution.En cas de carence d’un gouvernement, je plaide pour que le Parlement reprenne la main en lien avec le Conseil d’Etat. Le principe de séparation des pouvoirs ne doit pas servir de paravent au fait que des lois ne soient pas appliquées faute de décret d’application même si le gouvernement nous dit que ces dernières années cela a beaucoup progressé, que dans les six mois, 95% des textes font déjà l’objet de décrets. Déjà regardons ce qu’il y a dans les 5% et par ailleurs, faisons-en une règle permanente et durable.

*

Sur l’ensemble de ces thématiques, le Président de la République a souhaité que je dialogue avec Gérard Larcher, le Président du Sénat, et Nicole Belloubet la Garde des Sceaux, afin de déterminer les conditions d’un accord entre la majorité de l’Assemblée nationale et celle du Sénat.

C’est une étape nécessaire, car aucune réforme constitutionnelle de cette ampleur n’a été adoptée sous la Ve République alors que la majorité politique était différente entre l’Assemblée nationale et le Sénat.

C’est nécessaire et je le crois possible, car les Français nous attendent sur ce sujet comme sur d’autres et je pense qu’ils seront impitoyables avec ceux qui bloqueraient tout changement visant à répondre à la crise démocratique.

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Voilà, Mesdames et Messieurs, les quelques propositions concrètes que je voulais vous présenter pour la réforme des institutions.

Elles n’ont d’autre but que de renforcer le Parlement, de faire battre encore plus fort le cœur de la démocratie à l’Assemblée nationale.

Je vous remercie pour votre attention et, je vous renouvelle encore une fois, tous mes vœux pour l’année 2018 !